La brevetabilité d’une invention

Qu’est- ce qu’un brevet ? – Un brevet est un texte décrivant au moins un mode de réalisation de l’invention concernée, ce qui nécessite donc d’une part de décrire de façon précise ce qu’est l’invention, (de façon que l’homme du métier puisse refaire l’invention au vu du texte) et d’autre part de rédiger des revendications qui sont des phrases qui décrivent de façon technico-juridique l’invention.
Ce sont ces revendications qui définissent le monopole, que l’on va examiner pour savoir dans un premier temps si il y’a brevetabilité et dans un deuxième temps s’il y a contrefaçon, c’est-à-dire mise en œuvre par un tiers de l’invention brevetée sans l’autorisation du titulaire.

Il est en effet d’usage de rédiger plusieurs revendications, à savoir au moins une revendication principale qui va rechercher la protection de l’invention aussi largement que possible dans son concept, et des revendications dépendantes qui vont viser de façon plus limitative des modes de réalisation spécifiques.

Il existe trois types de revendications, à savoir des revendications de Procédé, des revendications de dispositif et des revendications de produits.

L’interprétation des revendications – Pour déterminer la brevetabilité des revendications d’un brevet, qui définissent donc l’étendue de la protection, il convient tout d’abord d’interpréter la teneur de ces revendications, puis ensuite d’appliquer les critères légaux de brevetabilité sur les revendications telles qu’interprétées.

La détermination de la teneur des revendications s’effectue au vu de la description et des dessins. Une revendication dépendante des précédentes comporte par ailleurs toute les limitations des revendications dont elle dépend.

Les critères légaux de brevetabilité – En Europe, pour ce qui est des critères légaux de brevetabilité, et en dehors de certaines inventions dont l’objet est spécifiquement exclu de la protection par brevet (comme les méthodes de traitement thérapeutique), ou encore exclu en tant que tel (comme les découvertes scientifiques, les méthodes commerciales, les présentations d’informations ou les logiciels), une invention est brevetable, (i) si elle est nouvelle, (ii) si elle présente une activité inventive et (iii) si elle est susceptible d’applications industrielles.
Ces critères peuvent légèrement varier dans les autres pays du monde, mais restent globalement similaires.

Les critères légaux de brevetabilitéLa nouveauté – La nouveauté s’analyse dans l’absolu, à la date de dépôt de la demande de brevet revendiquant l’invention que l’on cherche à protéger. En France et plus généralement en Europe, est nouveau ce qui ne fait pas partie de l’état de la technique à la date du dépôt. Plus précisément et pour l’appréciation de la nouveauté en Europe, l’état de la technique est constitué par toute divulgation antérieure au dépôt, qu’elle soit sous forme de publication ou de description orale ou écrite, partout dans le monde, et qu’elle provienne, ou non, de l’inventeur, ainsi que par les demandes de brevet déposées en Europe antérieurement au dépôt, non encore publiées.

Les critères légaux de brevetabilitéL’activité inventive – L’activité inventive est un critère plus subjectif.
« Est inventif ce qui ne découle pas de manière évidente de l’état de la technique, pour l’homme du métier » dit la loi.
L’homme du métier est un technicien (fabricant et non uniquement utilisateur) du domaine technique concerné, non spécialiste.

L’activité inventive peut, par exemple, résulter de l’une des démarches suivantes :
– La formulation d’une idée ou d’un problème à résoudre (la solution paraissant pourtant évidente dès lors que le problème est exposé),
– La résolution d’un problème connu,
– L’explication d’un phénomène observé.

Parmi les indices d’activité inventive, on peut ainsi relever :
– Le fait de surmonter (grâce à l’invention) une difficulté technique spéciale dans le domaine concerné,
– Le fait de répondre, pour la première fois, à un besoin ressenti et existant depuis longtemps, souvent en voyant « simple et concret »
– Le fait d’obtenir un résultat que d’autres se sont efforcés d’atteindre de façon non réussie jusqu’alors.
Les aptitudes ci-dessus se retrouvent souvent chez le technicien qui, parce qu’il exécute lui-même l’invention, la pense de façon pratique. Mais les préjugés sont souvent à l’origine de blocage. Ampère explique ainsi, pourquoi l’action de la pile voltaïque sur l’aimant n’a pas été découverte plus tôt : « Vous avez raison de vous étonner qu’on n’ait pas essayé, il y a vingt ans, l’action de la pile voltaïque sur l’aimant. La cause en est dans l’hypothèse de Coulomb sur la nature de l’action magnétique. On croyait à cette idée comme à un fait : elle écartait absolument toute idée d’action entre l’électricité et les prétendus fils magnétiques. La prévention à ce sujet était telle qu’au moment où Monsieur Arago parla de ces nouveaux phénomènes à l’Institut on les rejeta ».

– Le fait d’avoir réalisé l’invention contrairement à ce qu’aurait fait un expert dans le domaine concerné.
Graham Bell ne racontait-il pas « Je dois précisément ma découverte à mon ignorance de l’électricité. Il ne serait jamais venu à l’idée d’un électricien d’entreprendre les expériences que j’ai faites. L’idée de créer un courant électrique par l’action des voix humaines sur une plaque métallique eut été considérée comme chimérique par un savant spécialiste de l’électricité ».

A contrario n’est en général pas considéré comme inventif :
– Ce qui découle manifestement ou naturellement de l’état de la technique,
L’état de la technique est ici une question complexe. Par exemple l’existence de cachets et de sceaux depuis l’antiquité est un état de la technique qui aurait pu être validement opposé à l’invention de l’imprimerie. Rome connaissait des lettres mobiles pour apprendre à lire aux enfants. Et pourtant l’imprimerie date du 15è siècle.
– Ce qui ne se distingue des techniques connues que par l’utilisation d’équipement bien connus,
– Ce qui ne présente aucun effet ni avantage inattendu.

Pour déterminer s’il y a activité inventive, il convient en général de suivre la démarche suivante :
– Rechercher l’état de la technique,
– Déterminer le (ou les) problème(s) que cherche à résoudre l’invention,
– Examiner si la solution revendiquée au problème posé était évidente pour un homme du métier au vu de l’état de la technique.
C’est ce qu’on appelle l’approche « Problème/Solution ».

Notons qu’il est tout d’abord curieux de définir ce qui est inventif par ce qui n’est pas évident. C’est en quelque sorte une « non définition ».
En réalité la démarche est complexe.
Brunschwig, comme Leibniz centrent l’activité inventive sur la faculté d’analogie « discerner de nouveaux rapports et les coordonner, telle est la caractéristique de l’intelligence créatrice ».
Pascal quant à lui, distinguait l’esprit de justesse (aptitude à tirer les conséquences), celui de géométrie (aptitude à comprendre les principes) et l’esprit de finesse (aptitude à saisir la complexité du réel). Ce sont toutes ces aptitudes qui s’incarnent dans la personnalité concrète de l’inventeur, dont le « tour d’esprit » est crucial pour le développement de l’invention.
Le hasard joue ensuite souvent son rôle lorsqu’on est prêt à le recevoir.
Ainsi, comme disait Pasteur « le hasard sourit aux esprits préparés ». Un bel exemple (s’il est vrai) existe ici dans la découverte par Pasteur du vaccin contre le cholera des poules. Lorsque suite à une erreur de manipulation les docteurs Roux et Chamberland, pourtant initiés au problème, se retrouvent confrontés à un phénomène inexplicable (des poules malades de l’inoculation d’un virus vieux d’une journée et qui refusent de décéder quand on leur inocule un virus neuf), Pasteur mieux préparé en comprend la signification et transforme le fait en découverte (brevetable) (Elles sont immunisées vos poules !).

Les critères légaux de brevetabilitéUne application industrielle – Le critère d’application industrielle est en général rempli. Une invention est considérée comme susceptible d’application industrielle si son objet peut être fabriqué ou utilisé dans tout genre d’industrie, y compris l’agriculture. Il est en général rempli.